Agrivoltaïsme, de quoi parlons-nous ?
Les questions de l’indépendance énergétique de notre pays et de sa souveraineté alimentaire sont aujourd’hui des enjeux cruciaux. Les modalités du déploiement des énergies renouvelables et les conditions de subsistance de nos agriculteurs nous interrogent. Dans ce contexte, plusieurs milliers de projets dits « agrivoltaïques » sont à l’étude ou en construction sur le territoire national, notamment dans la Vienne (86). Ces projets consistent à mettre en place, sur des terres agricoles cultivées, des milliers de panneaux photovoltaïques, présentés comme compléments à l’activité agricole, mais en réalité se substituant largement à celle-ci.
Le développement rapide d’énergies renouvelables est un objectif nécessaire et indiscutable. Toutefois, il ne doit pas se réaliser au détriment des terres agricoles vivrières, de l’environnement, de la biodiversité et des populations riveraines.
Il existe des milliers d’hectares de terres délaissées au sens administratif (bordures de voies ferrées, d’autoroutes; anciennes carrières; zones industrielles…), de nombreux parkings, des toitures de bâtiments (publics ou privés), pouvant accueillir, avec de moindres impacts, des équipements photovoltaïques au titre de la loi APER (loi du 10 mars 2023, n°2023-175, relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables). Pourquoi sacrifier des terres agricoles ?
Les projets agrivoltaïques sur des zones agricoles nourricières contribuent à artificialiser les terres, impactent la biodiversité en terme de libre circulation de la faune, modifient profondément et durablement les paysages et dégradent le cadre de vie des populations riveraines qui subissent les nombreuses nuisances associées, notamment la co-visibilité.
Ces projets favorisent également la spéculation foncière sur les terres agricoles, empêchant le développement d’activités agricoles ainsi que l’implantation de jeunes agriculteurs. En effet, les propriétaires de ces terres tirent beaucoup plus de revenus en louant leurs terres agricoles à des énergéticiens investisseurs (entre 1500 et 6000 € par hectare et par an), plutôt qu’en les mettant en fermage. La disproportion est énorme (de 1 à 100) entre la valeur financière générée par l’activité agricole et celle générée par la production d’électricité photovoltaïque.
Dans les faits, la production d’énergie agrivoltaïque ne soutient pas le développement agricole, comme on veut nous le faire croire, mais se substitue purement à l’activité agricole. En outre, la pérennité des activités agricoles associées à ces projets n’est pas assurée et ne constitue pas une condition sine qua non au maintien de l’activité photovoltaïque, prévue pour 30 ou 40 années.
Le volet agricole ne constitue donc qu’un alibi pour contourner les règlements des documents d’urbanisme (PLU et PLUi), règlements qui interdiraient autrement l’implantation de panneaux photovoltaïques ; on pourrait qualifier cette méthode d’« agriwashing » en référence au « greenwashing » pratiqué par certaines entreprises.
Le projet de Valeco à Mignaloux-Beauvoir
Le projet agrivoltaïque intégrant des bovins, actuellement porté par la société Valeco sur le lieu-dit « La Plaine » à Mignaloux-Beauvoir, illustre parfaitement tous ces travers et dérives. Il confisquerait 30 hectares de terres agricoles nourricières cultivées, classées A2 dans le PLUi de Grand Poitiers (plan local d‘urbanisme intercommunal), au bénéfice d’une activité industrielle de production d’énergie photovoltaïque.
Le volet agricole ne créerait pas de valeur ajoutée pour le monde agricole. En effet, l’éleveur concerné ne ferait que déplacer son activité d’une commune à l’autre (il dispose déjà de terres suffisantes – dont il est propriétaire – pour faire pâturer sa vingtaine de bovins), et seulement durant la moitié de l’année.
Bien que le dossier version « bovins » de Valeco ne soit toujours pas rendu public, l’association DÉCAPE a pu obtenir six documents constitutifs de ce projet, et les a publiés depuis le mois de février 2024 (cliquer ici pour les consulter).
Dans ce contexte, les adhérents de DÉCAPE, les Mignaliens, et de nombreux autres citoyens, se sont mobilisés pour participer activement à la réunion publique organisée par la société Valeco, lundi 11 mars 2024 (cf le flyer distribué).
La presse a relaté cette réunion publique (article de la Nouvelle République), sans toutefois faire état de l’opposition quasi unanime des participants au projet agrivoltaïque porté par Valeco.
Esquivant souvent les questions les plus gênantes malgré les protestations du public, les représentants de Valeco ont préféré s’attarder sur des sujets et enjeux secondaires. Peut-on dès lors réellement parler d’information et de concertation ? Enfin, aucun document n’a été remis au public par Valeco, ni même présenté lors de cette réunion dite « d’information »… cela ne ressemble-t-il pas plutôt à un simulacre d’information et de concertation ?