Grand Poitiers, un ami qui nous veut du bien… (2/3)

Épisode 2 : « Nord Touches », le lapin sorti du chapeau de Grand Poitiers

Début septembre 2022, DÉCAPE a de nouveau trouvé dans sa boîte à lettre un dossier, daté du 8 septembre 2022, déposé de façon anonyme, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est explosif.

En effet, ce dossier de 24 pages constitue le relevé de décision du bureau communautaire de Grand Poitiers du 8 septembre 2022. Dans ce document, Grand Poitiers sort de son chapeau un nouveau projet de pseudo-contournement routier de Mignaloux-Beauvoir, jamais envisagé auparavant, baptisé « Nord Touches », qui menace gravement l’intégrité territoriale de la commune, ainsi que plusieurs centaines d’habitants. Vous trouverez la carte précise ici, sur laquelle nous avons souligné par des pointillés le tracé choisi par Grand Poitiers.

DÉCAPE, en tant que lanceur d’alerte, a aussitôt informé de ce projet la presse régionale, qui s’en est fait l’écho (Nouvelle République et Centre Presse], ainsi que la municipalité de Mignaloux-Beauvoir. Cette dernière a adressé une lettre à tous les habitants, affirmant son refus de ce pseudo-contournement « Nord Touches » et réaffirmant son choix pour le tracé Nord Long de moindre impact, étudié et proposé depuis 2019 par notre association DÉCAPE.

Grand Poitiers a fait passer en force son choix par un vote en catimini en bureau communautaire courant septembre 2022 (9 voix pour / 7 contre sur 22 membres présents), sans qu’aucune information et encore moins concertation préalable à sa décision n’ait été lancée auprès des populations impactées, ni au sein de l’assemblée communautaire délibérante, comme l’illustre l’interpellation de l’opposition lors de l’assemblée communautaire du 30 septembre 2022 : article de presse, vidéo.

Après une lecture rapide de ce document du 8 septembre 2022, notre association aurait pu se réjouir de constater que Grand Poitiers rejoint DÉCAPE sur certains de ses objectifs fondateurs. Toutefois, une lecture attentive, au-delà des intentions déclarées par Grand Poitiers, met en lumière une méthode d’analyse manquant de rigueur intellectuelle, occultant des réalités de terrain, traduisant l’opacité de critères d’interclassement des tracés envisagés, affirmant des conclusions paradoxales, contradictoires avec les objectifs initiaux affichés. Conclusions définitivement néfastes pour les Mignaliens et leur commune.

Ainsi le pseudo-contournement « Nord Touches », sorti de leur chapeau courant août 2022, traverse sur l’ensemble de son linéaire la seule commune de Mignaloux-Beauvoir en son centre géographique, en zone urbanisée et conduit simplement à un massacre de son intégrité territoriale, en contradiction totale avec l’objectif n°2 de notre association DÉCAPE :

défendre l’intégrité et l’unité territoriale de la commune de Mignaloux-Beauvoir en s’opposant à toute nouvelle « saignée » routière.

Quant à l’objectif n°3 de notre association :

sauvegarder et améliorer le cadre de vie de ses habitants, en privilégiant le facteur humain, en réduisant les nuisances visuelles, sonores et la pollution atmosphérique, liées au trafic routier,

il est affiché par Grand Poitiers comme leur premier objectif sous la formulation « la priorité donnée à la santé publique et la qualité de vie des populations en réduisant le nombre d’habitants exposés à la pollution sonore et atmosphérique liées au trafic automobile et poids lourd, ou en réduisant l’ampleur de ces nuisances », mais immédiatement piétiné car le « Nord Touches » dévie notamment le trafic quotidien de 2300 poids-lourds sous les fenêtres de plusieurs centaines de Mignaliens.

Encore une fois, notre objectif de protéger le patrimoine historique et environnemental de la commune est affiché par Grand Poitiers, mais n’est clairement pas respecté, puisque le tracé « Nord Touches » choisi par Grand Poitiers passe à quelques pas du château de la Cigogne, seul bâtiment historique classé de la commune. Il impacte directement le parc de la Cigogne (30 hectares), labellisé « Ensemble Arboré Remarquable » depuis septembre 2019, ainsi que le parc de 12 hectares de la Pépinière en cours de labellisation. Enfin, il occulte totalement la riche biodiversité (notamment de cervidés) de la zone traversée.

Grand Poitiers s’est auto-attribué les compétences des services spécialisés de l’État (DREAL). En effet, tout en déclarant ne pas avoir réalisé d’étude détaillée, ni d’étude d’impact, car le dossier de contournement relève des compétences de l’État, Grand Poitiers a quand même envoyé sur le terrain a posteriori (mi-octobre) une entreprise de géomètres (photo 1, photo2), sur le tracé du pseudo-contournement « Nord Touches ». Et dans le même temps, le Vice-Président de Grand Poitiers en charge du dossier ose affirmer sur France Bleu Poitou qu’«il n’est pas question d’un tracé précis » !

Nous pouvons aussi douter du sérieux et de l’expertise de Grand Poitiers quand nous découvrons ce dossier, présentant une chaussée creusée en décaissement au carrefour de Sainte-Jeanne (régulièrement noyé sous l’eau), et traversant ensuite un grand bassin d’orage.

Avec un système de notation opaque et non explicite d’interclassement des différents scénarios de contournement, Grand Poitiers fait apparaître en numéro 1 dans son classement, le tracé « Près du château », qui est écarté à juste titre comme violant gravement plusieurs critères majeurs (impacts humains, environnement, patrimoine).

Étrangement, le tracé « Nord Touches » retenu par Grand Poitiers n’arrive qu’en n°3 de leur classement, alors que le tracé « Nord Savigny » (quasiment similaire au tracé Nord Long de moindre impact sur les bâtis, les populations et l’environnement, que DÉCAPE propose depuis 2019), qui arrive en n°2, est écarté sans qu’aucune justification ne soit apportée…

Quels intérêts Grand Poitiers protège-t-il ? Serait-ce essentiellement ceux de quelques grands propriétaires terriens de communes voisines, qui sous prétexte de préservation du foncier agricole, veulent surtout préserver les belles opérations futures de lotissement, comme c’est déjà le cas à Chantelle (commune de Sèvres-Anxaumont) ?

Sur la méthode, Grand Poitiers méprise les Mignaliens par son refus d’écoute et de dialogue préalablement à ses prises de positions, par ses analyses volontairement tronquées, fondées sur une vision dogmatique et autocratique.

Ses propositions « hors sol » dénuées de toute connaissance des réalités de terrain, transformeraient le territoire de la commune en paillasson des entrées Sud-Est de Poitiers.

Pourtant nous aurions pu saluer le fait que Grand Poitiers partage dans son document du 8 septembre les intentions et analyses suivantes, que nous défendons depuis 2019 :

  • dissocier les problématiques des flux routiers locaux pendulaires (véhicules légers), des flux de transit (surtout poids-lourds) ;
  • acter la nécessité même d’un contournement routier, et sa mise en œuvre préalablement à la réalisation d’un boulevard urbain ;
  • associer et traiter par un contournement Nord, les problèmes des RN147 (route de Limoges) et RD 951 (route de Chauvigny) et donc refuser toute solution de contournement aboutissant à l’emplacement actuel du giratoire de la Milétrie, afin de parvenir à un raccordement au droit de la voie André Malraux ;
  • convenir qu’un contournement 2×1 voie avec ronds-points, serait suffisant pour supporter le trafic de transit dont les poids-lourds, et apporterait bien moins de nuisances qu’une 2×2 voies avec échangeurs ;
  • mesurer les impacts sur les riverains bien au-delà des 50m annoncés par la DREAL en 2019, tout en prenant en compte le « désimpact » dont bénéficieraient certains riverains des trafics routiers actuels ; à ce titre, convenir que le tracé « Près du Château » (ex tracé « Nord Court » de la DREAL en 2019) est le pire ;
  • préserver les domaines boisés en périphérie immédiate de l’agglomération, dont celui de la Cigogne, labellisé « Ensemble Arboré Remarquable » ;
  • respecter les périmètres de protection des monuments historiques (château, église), de 500 mètres de rayon de covisibilité.

Malheureusement, une fois encore, nous sommes choqués et atterrés, de constater que les pratiques, méthodes, propositions et conclusions de Grand Poitiers, dans son document du 8 septembre, sont aux antipodes et en contradiction avec leurs déclarations d’intentions affichées.

C’est pourquoi, forte de tous ces constats atterrants, l’association DÉCAPE poursuivra inlassablement sa démarche, en opposant son pragmatisme de terrain au dogmatisme de certains !

À suivre…